Le Figaro : les vertus aléatoires 
de l'éthylotest


À qui se fier ? À la veille des fêtes et au moment où une grande campagne en faveur de l'éthylotest chimique est lancée, la fiabilité du ballon est mise en doute.
Au départ, l'idée est plutôt ­bonne. À l'arrivée, le résultat est mitigé. Faute de se donner les moyens de son ambition, la Sé­curité routière risque de manquer son objectif avec sa nouvelle campagne de sensibilisation «Soufflez, vous saurez » (www.soufflez-vous-saurez.fr). Avec justesse, elle a décidé d'alerter celles et ceux qui ne savent pas refuser le verre de trop. Celui qui va entraîner au-delà du seuil contraventionnel de 0,5 g d'alcool par litre de sang (0,25 g par litre d'air expiré) et risque de vous faire perdre d'un seul coup la moitié de votre permis ­(6 points). Selon la Sécurité rou­tière, « 26 % des décès sur la route auraient pu être évités si les conducteurs avaient respecté le seuil légal» .
En fait, ce petit verre de trop masque une réalité plus noire encore. Dans certaines régions de France, l'alcool demeure, et de loin, le premier des fléaux. En Bretagne par exemple, il est, outre la première cause des accidents de la route, à l'origine de la majorité des suicides et des violences au sein des familles. Les gendarmes de Rennes nous ont confié que près de 80 % de leurs interventions nocturnes étaient dues à « la goutte » et que les contrôles d'alcoolémie pouvaient parfois facilement tourner au pugilat. Le Dr Michel Colin, médecin à Pleumeur-Bodou depuis 1980, siège à la commission médicale du permis de conduire de Lannion. « À chaque séance, nous rencontrons des multi­récidivistes qui ont déjà subi deux ou trois annulations de leur permis et qui continuent à conduire », témoigne-t-il.
Gendarmes, policiers et juges plaident pour un suivi social renforcé de cette population de grands alcooliques. Impliquée dans nombre de graves accidents, elle est totalement imperméable aux sanctions et extrêmement dangereuse sur la route. Mais ce travail de fond n'est guère ­spectaculaire. Beaucoup moins, en tout cas, que d'inciter ­M. Tout-le-Monde à souffler dans le ballon à grand renfort de spots télévisés dramatiques.
Problème, l'éthylotest chimique ne se révèle pas d'une par­faite fiabilité. « Alors qu'il est présenté au public comme un outil sûr et précis, le ballon est un moyen de contrôle si grossier qu'il suscite des vices de procédure le rendant juridiquement inopérant », tonne l'avocat Jean-Baptiste Iosca, qui fait partie du petit monde des «maîtres» compétents sur le Code de la route.

Inefficace au-dessous de    10 °C et au-dessus de 40 °C
Le vénérable ballon souffre en effet de plusieurs tares. D'abord, il ne supporte pas la cigarette. Fumer tue… aussi son efficacité. Un fumeur, voire un fumeur passif, verra le test faussé si ses poumons sont imprégnés de nico­tine. Il pourra, de bonne foi, se croire négatif au moment de prendre le volant alors qu'il est au-delà du seuil autorisé. Le ballon n'encaisse pas non plus les grandes amplitudes de température : il n'est plus efficace au-dessous de  10 °C ni à plus de 40 °C, température fréquente l'été à bord d'une voiture fermée. « Quel crédit donner à un appareil inutilisable en décembre à Lille et en août à Nice ? » s'interroge Me Iosca.
L'éthylotest chimique peut aussi délivrer un verdict erroné à la suite de mauvaises conditions de stockage (excès de chaleur ou de lumière). Enfin, le temps d'attente préconisé (15 minutes) est contesté par une bonne partie du corps médical, qui estime que le pic d'alcoolémie n'intervient qu'après une heure. Là encore, un conducteur pourra être abusé de bonne foi. « Est-il concevable que le gouvernement se rende ­ainsi complice d'une possible conduite en état alcoolique ?» renchérit Me Iosca.
Bref, la nouvelle campagne de la sécurité routière pèche dans sa finalité. Elle raisonne juste en renforçant dans le public la prise de conscience de ce que représente l'acte de conduire, ce qui est toujours une excellente chose, mais fait fausse route en préconisant un moyen de contrôle douteux et techniquement dépassé. Pourtant, la solution existe avec l'éthylomètre électronique homologué, le même qu'utilisent les forces de police. Il est, lui, d'une parfaite fiabilité. Il coûte actuellement une centaine d'euros mais son prix baisserait énormément s'il était diffusé plus massivement. On peut aussi envisager d'en mutualiser l'usage dans les restaurants et les débits de boissons.
De telles campagnes, si respectables et si pleines de bons sentiments soient-elles, ne doivent pas non plus dispenser de réfléchir à une politique de sécurité routière plus différenciée et plus élaborée. Des mesures préconisant, par exemple, des radars mobiles placés aux endroits réellement dangereux (devant les écoles, notamment) et non plus sur des lignes droites dégagées de tout obstacle, des tarifs autoroutiers préférentiels accordés aux familles peu fortunées (le risque d'accident est très faible sur autoroute) et une traque aux petites GTI bourrées de copains ivres que l'on retrouve morts dans un fossé au petit matin.

Philippe Doucet 21/12/2007

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